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« Le fléau des condamnations à tort, au nom de théories médicales simplistes »

Jusqu’où peut-on aller au nom de « la science » ? Alors que Robert Roberson, un Américain de 57 ans souffrant d’autisme, doit être exécuté au Texas, le 17 octobre, cette question résonne avec une acuité dramatique.
Roberson fut condamné à mort en 2003 sur la base d’une théorie médicale émergeant aux Etats-Unis dans les années 1970, et depuis largement controversée dans le monde (plus de trente exonérations aux Etats-Unis à ce jour). Sa fille Nikki est morte à 2 ans avec des saignements intracrâniens et rétiniens, longtemps considérés comme preuves irréfutables d’un secouement violent. Le diagnostic du syndrome du bébé secoué est désormais reconnu comme plus complexe, à la suite, notamment, d’un rapport gouvernemental suédois de 2016. En France, les recommandations de la Haute Autorité de santé sont contestées, voire contredites depuis plusieurs années. Une nouvelle version est attendue en 2025.
En janvier, des médecins réexaminant le dossier de Nikki ont trouvé d’autres explications à sa mort, dont une pneumonie sévère. En 2003, le peu d’émotions exprimées par Roberson a été interprété comme un signe de culpabilité – son autisme n’a été diagnostiqué qu’en 2018. Son innocence ne fait aucun doute pour un groupe de trente-quatre scientifiques et médecins, de quatre-vingt-six membres de la Chambre des représentants du Texas, d’organisations comme le Projet Innocence, de personnalités comme l’écrivain John Grisham, et de l’enquêteur de police chargé du dossier – désormais convaincu de son erreur. Ils s’en remettent aujourd’hui au gouverneur du Texas, Greg Abbott, pour empêcher l’exécution.
Au delà d’illustrer pourquoi cette pratique archaïque doit impérativement être abolie, l’histoire de Roberson n’est qu’un exemple tragique parmi d’autres de vies détruites au nom d’une (prétendue) science mal comprise et appliquée sans discernement dans les tribunaux, comme déjà souligné en 2009 par l’Académie américaine des sciences.
Un autre cas, celui de Melissa Lucio, qui a été condamnée à mort au Texas, en 2008, après le décès de sa fille de 2 ans. La position initiale des médecins légistes concluant à un homicide a été depuis contestée. Suite à un documentaire, diffusé en 2021, de Sabrina Van Tassel et à une mobilisation internationale (en France, elle a obtenu notamment le soutien des anciens gardes des sceaux, Robert Badinter et Christiane Taubira), son exécution a été suspendue in extremis en 2022. Elle attend désormais son exonération.
Une mère baptisée « pire tueuse en série d’Australie », Kathleen Folbigg, fut libérée et exonérée en 2023 après vingt ans d’incarcération. Elle avait été condamnée à quarante ans de prison après la mort de ses quatre bébés. Au-delà de son sentiment de culpabilité évoqué dans son journal intime, des experts avaient utilisé la « loi de Meadow » : la survenue de plusieurs morts subites du nourrisson dans la même famille serait si improbable qu’il ne pourrait s’agir que de meurtres déguisés. Il a fallu une équipe internationale menée par la généticienne Carola Vinuesa pour retrouver chez les enfants de Folbigg des mutations rares, dont l’une associée à des morts subites naturelles. Ce cas a été développé dans le numéro d’avril 2024 de la revue de l’Association française pour l’information scientifique.
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